Lorsque Bruce Lee arriva de Hong Kong aux Etats Unis en 1959, il pratiquait alors le Wing Chun gung fu qu'il avait appris de son instructeur, le maitre Yip Man. Peu de temps aprés son arrivée, Bruce se mit à dispenser des cours aux américains et s'aperçut rapidement des limites de ce style, qui selon lui, mettait trop l'accent sur le combat rapproché en utilisant les saisies et le travail des poings aux dépens des techniques de pieds qui permettent le combat à distance. Le style Wing Chun est parfait pour la lutte dans les espaces restreints surpeuplés comme Hong-Kong. En revanche les grands espaces qu'offrent les Etats-Unis permettent d'autres formes de combats plus aérés. Et surtout la corpulence des américains est trés différente de celle des chinois de Hong-Kong.
Afin de rendre son Wing Chun de plus en plus efficace, Bruce développa son propre système de boxe chinoise et greffa à sa nouvelle méthode des éléments plus raffinés et plus efficaces qu'il trouva dans d'autres systèmes de Kung-Fu. Sa méthode se fit rapidement connaitre sous le nom de "Jun Fan Gung Fu", du nom de son école, et qui était son nom de naissance, "Jun Fan" signifiant littéralement "né à San Francisco". Devant l'efficacité grandissante de son art, Bruce se détacha de plus en plus du système Wing Chun.
Avec l'aide de Taki Kimura et de James Lee, Bruce donna de nombreuses démonstrations sur la côte ouest des Etats-Unis. C'est James Lee qui présenta Bruce Lee à Ed Parker, considéré comme le père du Kempo Karaté aux Etats-Unis, et organisateur du tournoi de Long Beach. La rencontre de Bruce Lee avec Dan Inosanto va donc changer beaucoup de choses, ils vont d'ailleurs ouvrir en 1967 une école en plein coeur du du quartier chinois de Los Angeles. C'est durant cette pèriode que Bruce va développer encore plus sa méthode de combat, ce sera un processus sans fin. C'est au Jun Fan Gung Fu Institute que Bruce et Dan vont développer le Jeet Kune Do qui est un concept ce qui le différencie du Jun Fan Gung Fu qui est un style.


"Pour comprendre le Jeet Kune Do, il faut jeter à bas toute notion de geste réussi, de forme, de style. Il faut jeter à bas, en fait, le concept même de ce qui pourrait être l'idéal du Jeet Kune Do. Sauras-tu envisager une situation sans lui donner un nom? Lui donner un nom, la formuler, engendre la peur. (...) Il est vraiment difficile de percevoir simplement, nos esprits sont trés complexes, et s'il est relativement simple d'apprendre à quelqu'un à devenir habile, il est difficile de lui apprendre un état d'esprit. Le Jeet Kune Do prône une absence de forme propre qui lui permet d'admettre toutes les formes, et en refusant la stylisation, il s'harmonise avec tous les styles. Ainsi, le Jeet Kune Do arpente tous les chemins, rien ne l'entrave et, bien plus, toute technique, toute conception peut servir à ses fins.
Approche le Jeet Kune Do comme un art de volonté. Oublie la victoire et la défaite, l'amour propre et la peur. Laisse l'adversaire t'érafler la peau et frappe dans la chair; laisse frapper dans la chair et brise lui les os; laisse le briser les os et prends lui sa vie !
Ne cherche pas à t'en tirer sans dommage-joue ta vie avant qu'il ne joue la sienne !

Certains styles favorisent la ligne droite, d'autres utilisent la courbe et les cercles. Les styles qui se cramponnent à un aspect particulier du combat dans son ensemble sont dans une ornière. Le Jeet Kune Do est une technique qui vise à l'aquisition de la liberté; c'est un travail de mise en lumière. Une méthode qui s'est fixée des choix, quel que soit le niveau de son exigence, entrave ses partaiquants dans une structure figée. Le combat, lui, n'est jamais figé et change d'aspect à chaque seconde, de moment en moment. Travailler à l'intèrieur d'une de ses structures revient simplement à développer opiniâtrement sa résistance au monde. Une telle pratique mène à une impasse; comprendre devient impossible et les pratiquants ne seront jamais libres.
Le Jeet Kune Do préconise "l'absence de forme sans forme", il peut assumer ainsi toutes les formes, il s'accorde ainsi avec tous les styles. Le Jeet Kune Do emprunte tous les chemins, ne se laisse entraver par rien et jongle avec les techniques et les conceptions qui peuvent servir à ses fins. Dans cet art, la compétence ne se compte pas en points. L'expression humaine ne s'enrichit pas dans la pratique d'une forme, mais la forme fait partie de cette expression. La plus riche (expression) ne peut pas se développer à travers la plus pauvre (expression) mais la plus pauvre peut trouver sa place à l'intèrieur de la plus riche. Le "refus de la forme" ne signifie pas être "informe". Cette "absence de forme" est simplement la plus haute expression que peut atteindre un individu." Dan Inosanto qui fut l'un des plus proches disciple de Bruce, résume ainsi sa technique: "Jeet signifie être à l'affut, intercepter, Kune veut dire poing, et Do la manière, la voie. En clair, la véritable fonction des arts martiaux n'est pas la forme, mais d'atteindre son adversaire et frapper. Ce qui distingue le Jeet Kune Do des formes classiques, c'est qu'il est essentiellement offensif. Les trois composantes de cet art sont: l'efficacité, la spontanéité et la simplicité".
Dans une interview à Black Belt, en 1967, Bruce explicitait ce dernier point: "permettez que j'emprunte au Chan (le zen chinois) pour l'illustrer. Avant que je m'initie au Kung Fu, un coup de poing était pour moi un coup de poing et un coup de pied, un simple coup de pied. Quand je m'y suis initié, j'ai découvert qu'un coup de poing n'était plus un coup de poing et qu'un coup de pied était autre chose qu'un coup de pied. Maintenant que je maitrise mon art, un coup de poing est redevenu un coup de poing à mes yeux, et un coup ne pied n'est plus qu'un coup de pied! Le plus haut raffinement n'a donc rien de spécial. C'est une affaire de simplicité: tirer le plus grand résultat du plus petit effort. La médiocrité donne naissance aux fioritures. Le Jeet Kune Do est une technique raffinée qui réduit tous les mouvements à l'essentiel". Dans une lettre datée du 28 décembre 1965, Bruce écrit à Dan:"il y a trois stades dans l'art du Kung Fu. Le premier est le stade primitif, le stade de la complète ignorance. Celui qui n'a pas encore franchi cette étape se bat forcément de façon instinctive. Il bloque et frappe sans savoir si ce qu'il fait est bon ou mauvais. Le second stade, celui de la sophistication ou de la mécanisation, commence avec le début de l'entrainement. On apprend les différents moyens de bloquer, de frapper, de respirer de penser. Il s'agit là d'une approche scientifique du combat. Malheureusement l'individualité et la liberté se perdent. L'esprit est accaparé par le calcul et l'analyse des divers mouvements. Pire encore, cette limite intellectuelle éloigne le pratiquant du sens des réalités. Le troisième stade, celui de la spontanéité, apparait quand aprés des années d'entrainement intensif, le pratiquant réalise qu'aprés tout l'art martial n'est pas une religion. Au lieu d'imposer son style à un adversaire, il ajuste sa technique à la sienne. Il faut imiter l'eau qui épouse les formes du récipient qui la contient. Alors seulement le pratiquant n'est plus inhibé."


Les points clés du Jeet Kune Do


1. En attaque comme en défense, une structure basée sur l'économie de mouvement la plus rigoureuse (Attaque: la vivacité de l'initiative/Défense: techniques de mains en adhérence).
2. La souplesse et le "naturel-maitrisé" pour l'arsenal total du corps.
3. La rupture dans le rythme, le demi-temps, les rythmiques "un temps-un demitemps" ou trois temps-un demi temps"(le rythme du Jeet Kune Do en attaque et en contre).
4. Musculation, entrainement complémentaire scientifique et tous les à côtés de la forme physique.
5. Le "mouvement direct du Jeet Kune Do" en attaque et en contre-pouvoir lancer ses coups directement sans notion de replacement.
6. Un corps insaisissable, un déplacement léger.
7. Une façon de faire sans à coup, un schémas tactique offensif simple et imprévisible.
8. Une grande maitrise du corps à corps: Enchainements de coups rapides et préçis; projections; saisies; immobilisations.
9. Des assauts sans retenue et un entraînement à la pleine puissance de frappe sur cibles mouvantes.
10. Des instruments de fer, "aiguisée" en permanence.
11. Une expression individualisée plutôt qu'une adhésion au "produit de masse"; la vie plutôt que l'académisme (une relation vraie).
12. La totalité plutôt qu'une structure fragmentaire.
13. Derrière les mouvements du corps, toujours présent, un entrainement à "la permanence d'une expression de soi".
14. Une puissance toute en souplesse, un pouvoir d'explosion totale contrôlé. Une forme de corps élastique sans relachement physique. Une vigilance mentale jamais prise en défaut.
15. Le mouvement comme un flou continu (la ligne droite qui s'harmonise avec la courbe-haut et bas, demi cercle à gauche, à droite, pas sur les côtés, oscillation latérale et verticale de la tête, gestes des mains).
16. Une position bien équilibrée dans l'effort et le mouvement, en permanence. Une continuité entre un engagement quasi total et un relachement quasi complet.